30/12/2026

PLFSS 2026 : décryptage des mesures et impacts majeurs pour les employeurs

Angélique Acosta
Directrice associée - Sujets RH

Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2026 a été adopté définitivement par le Parlement le 16 décembre 2025. Le PLFSS 2026 s'inscrit dans une trajectoire de rigueur budgétaire visant à contenir un déficit social estimé à plus de 24 milliards d'euros.

Pour les entreprises, ce texte marque un tournant majeur dans la politique des allègements de charges, avec une volonté claire de rationaliser les dispositifs pour redresser les comptes sociaux.

Le PLFSS 2026 ne sera pas neutre pour les entreprises. Ce texte entérine une augmentation significative du coût du travail et une révision de certains dispositifs d'exonération.

Des ajouts à la réforme RGDU (Réduction générale dégressive unique)

Le PLFSS 2026 contient des mesures législatives spécifiques (articles 20 et 40) venant à compléter la dernière refonte structurelle des allègements généraux (RGDU).

Dérogation au mode de calcul RGDU par rapport au SMIC conventionnel.

Dès lors que le SMIC conventionnel des salariés est inférieur au SMIC légal, la RGDU doit prendre en compte le SMIC conventionnel.

C’est un moyen pour le législateur d’inciter les branches professionnelles à réviser leur grille de salaires au sein de leur convention collective.

Néanmoins, une dérogation prévoit que le montant de RGDU le plus favorable pour l’employeur doit être retenu au final.

Sécurisation et encadrement de la prise en compte de la PPV (prime de partage de la valeur).

Le PLFSS 2026 entérine la prise en compte de la prime de partage de la valeur (PPV) dans le calcul de la RGDU.

Selon la structure des rémunérations et les assiettes de salaire retenues, certaines entreprises pourraient voir leur montant d’exonération de charges sociales se contracter.

Elargissement de la RGDU et déduction TEPA

Par ailleurs, la loi vient préciser la possibilité de cumuler la déduction forfaitaire TEPA avec la RGDU.

Rappelons que la déduction TEPA est un dispositif de réduction forfaitaire de cotisations patronales créé par la loi TEPA (Travail, Emploi, Pouvoir d’Achat) en 2007. Elle vise à réduire le coût des heures supplémentaires pour les employeurs.

A compter du 1er janvier 2026, la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires (TEPA) s’ouvre désormais à toutes les entreprises, y compris celles de 250 salariés et plus (article 21).

Jusqu’à présent, cette déduction forfaitaire (0,50 € ou 1,50 € par heure selon l’effectif) n’était accessible qu’aux entreprises de moins de 250 salariés : le PLFSS supprime ce seuil.

Pour les employeurs, cela va se traduire par une réduction immédiate du coût des heures supplémentaires.

En parallèle du PLFSS, application de la réforme RGDU début 2026

Bien que ne relevant pas du PLFSS 2026 mais de la loi de financement de la Sécurité sociale 2025 (n° 2025-199) cette refonte structurelle des allègements généraux a aussi été la source de nombreux débats. Arrêtons-nous quelques instants sur les éléments phares de cette réforme car sa mise en application en début d’année va aussi amener son lot de conséquences sur les cotisations sociales des entreprises.

En effet, le gouvernement procède ici à une refonte majeure des paramètres de calcul pour limiter les effets de "trappe à bas salaires" et augmenter les recettes :

Suppression des taux réduits spécifiques

Les réductions forfaitaires sur les cotisations d'Assurance maladie (6 points) et d'allocations familiales (1,8 point) sont supprimées en tant que dispositifs autonomes, sauf cas spécifiques (comme les entreprises implantées en outre-mer ou encore les entreprises bénéficiant d’exonérations zonées…).

Nouvelle dégressivité étendue

Le dispositif est désormais "unifié" mais sa courbe est modifiée :

  • Plafond de sortie : la réduction s'applique désormais de façon dégressive jusqu'à 3 SMIC (contre 1,6 SMIC auparavant pour le bloc principal).
  • Coefficient de puissance : l'introduction d'un exposant dans la formule (P = 1,75) lisse les baisses d’exonération pour éviter qu’elles ne cessent trop brutalement. Le coefficient diminue moins vite au début, mais les exonérations s'éteignent désormais plus tôt ou différemment selon les paliers.
  • Seuil minimal : Instauration d'un seuil minimal d'exonération de 2 % qui s'applique jusqu'au point de sortie de 3 SMIC.

Résumé et analyse de l'impact par tranches de salaire

La fusion des anciens "bandeaux" (Maladie à -6 pts et Famille à -1,8 pt) dans cette formule unique crée des gagnants et des perdants :

Tranche de salaire
Impact par rapport à 2025
Pourquoi ?
Tranche de salaire
À proximité du SMIC
Impact
Neutre
Pourquoi ?
Le niveau d'exonération reste quasi-total (environ 40 points).
Tranche de salaire
Entre 1,2 et 1,8 SMIC
Impact
Hausse du coût
Pourquoi ?
L’aide chute plus vite quand on s’éloigne du SMIC (notamment entre 1,1 et 1,4 SMIC).
Tranche de salaire
Entre 1,8 et 2,5 SMIC
Impact
Baisse du coût
Pourquoi ?
Le nouveau système est plus généreux que l’ancienne réduction Fillon, arrêtée à 1,6 SMIC.
Tranche de salaire
De 2,5 à 3 SMIC
Impact
Baisse du coût
Pourquoi ?
Apparition d’un allègement minimum de 2 % là où aucune exonération ne s’appliquait.
Tranche de salaire
Au-delà de 3 SMIC
Impact
Hausse du coût
Pourquoi ?
Suppression totale des anciens taux réduits Famille, qui allaient jusqu’à 3,5 SMIC.

Le coût des ruptures de contrat augmente

Le texte du PLFSS 2026 renchérit significativement les dispositifs de fin de carrière et de séparation à l'amiable.

Pour les ruptures conventionnelles et les mises à la retraite, le taux de la contribution patronale spécifique passe de 30 % à 40 % (application sur les ruptures conclues dès le 1er janvier 2026).

Cette mesure vise à limiter le recours aux ruptures conventionnelles et à inciter au maintien dans l'emploi des seniors.

De nouveaux coûts indirects avec la taxe sur les complémentaires santé :

Une contribution additionnelle de 2,05 % (art. 13) est instaurée sur les cotisations versées aux organismes complémentaires (mutuelles/prévoyance).

Malgré la volonté d’ouvrir des négociations avec les organismes complémentaires d’assurance maladie (avant fin mars 2026), il demeure un risque que cette contribution impacte indirectement le coût des contrats collectifs souscrits par les employeurs.

Plus d’exigence sur la gestion des arrêts de travail et la santé au travail

Le PLFSS 2026 durcit les règles entourant les prescriptions pour limiter les dépenses de la branche Maladie :

Encadrement des arrêts :

Le texte prévoit de plafonner la durée des arrêts de travail :

  • au moins un mois pour une première prescription,
  • au moins deux mois en cas de prolongation.

Les modalités seront fixées par décret en Conseil d’Etat. En outre, les règles relatives aux arrêts en téléconsultation restent inchangées.

Pour les départements RH, ce plafonnement des arrêts peut impacter leur gestion quotidienne des absences et les obliger à revoir leurs pratiques.

Réflexion sur les maladies professionnelles :

Une réforme du diagnostic est lancée, renvoyant à un décret en Conseil d'État pour définir de nouvelles modalités d'établissement des pathologies professionnelles (article 95).

Le texte prévoit également une modification des procédures de visite de reprise (article 81). Pour tout arrêt de travail dépassant 30 jours, le médecin conseil en liaison avec le médecin traitant peut solliciter le médecin du travail, pour préparer et étudier les conditions et les modalités de la reprise du travail ou envisager les démarches de formation adéquates.

De nouvelles mesures en faveur de la parentalité et la fin de carrière

Le PLFSS 2026 regroupe également des mesures visant à la fois à adapter la protection sociale aux nouveaux enjeux de parentalité et à prolonger l'activité des seniors tout en maîtrisant le coût des pensions.

Voici les précisions juridiques et opérationnelles sur ces deux volets :

Le nouveau "Congé supplémentaire de naissance" (article 99)

Ce dispositif instaure un nouveau congé de naissance de deux mois maximum, faisant suite au congé de maternité/paternité.

Le salarié pourra choisir de fractionner ce congé en deux périodes distinctes. Les services RH devront être agiles lors de la gestion de ces absences morcelées, qui vont complexifier le suivi des plannings.

Une réforme du Cumul Emploi-Retraite (CER)

L'objectif de cette mesure est d'inciter à la poursuite d'activité après l'âge légal, et surtout après l’âge du taux plein, tout en limitant les dépenses de la branche Vieillesse pour les revenus élevés.

Le cumul emploi-retraite est désormais encadré par un mécanisme de plafonnement des revenus professionnels, qui ne fait plus référence au SMIC et dont les modalités varient selon l’âge de l’assuré..

Avant 64 ans, les revenus professionnels viennent s’imputer totalement sur la pension de retraite, dès le premier euro perçu.

Entre 64 et 67 ans, un plafonnement des revenus d'activité est instauré (article 102 - seuil fixé par décret). Au-delà de ce seuil, la pension est écrêtée de 50 %.

Après 67 ans, le cumul redeviendra totalement libre et sans plafond. La poursuite de l'activité permettra la création de nouveaux droits à la retraite (une seconde pension).

Enfin, la condition de délai de carence de six mois en cas de reprise d’activité chez le dernier employeur disparaît avec la réécriture de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale.

D’autres mesures spécifiques pour les seniors et l'emploi

Le PLFSS 2026 crée le "malus" pour les entreprises d’au moins 300 salariés qui ne sont pas couvertes par un accord en faveur de l'emploi des seniors ou qui n'ont pas engagé de négociations obligatoires sur ce thème (article 11).

Quels sont donc les principaux impacts financiers du PLFSS 2026 pour les employeurs ?

Mesure Impacts directs / indirects Entrée en vigueur
Forfait social – ruptures Passage du taux de 30 % à 40 %. 1er janvier 2026
Heures supplémentaires Déduction forfaitaire réduite à 0,50 € pour les entreprises de plus de 250 salariés. 1er janvier 2026
Santé (mutuelles) Risque de hausse indirecte des primes lié à l’augmentation de la taxe (2,05 %). Janvier 2026

Le PLFSS 2026 marque une rupture avec la politique de baisse du coût du travail des années précédentes.

Pour les employeurs, ce budget est synonyme de rigueur accrue et place leur gestion RH sous haute tension budgétaire. Il va leur demander en effet un effort de rationalisation de leur masse salariale. Les compensations partielles (heures supplémentaires…) ne suffiront pas, pour la majorité des acteurs, à neutraliser l'alourdissement global des prélèvements sociaux.

Au-delà du coût financier, les directions RH vont faire face à de nouveaux défis opérationnels immédiats relatifs à leur politique de fidélisation (notamment des seniors) et à leur flexibilité organisationnelle.

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