11/9/2025

Budget 2026 : quelles conséquences pour les directions RH ?

Le 8 septembre 2025, l’Assemblée nationale a rejeté le budget 2026 présenté par le Premier ministre, à 194 voix pour et 364 contre. Ce refus a entraîné la chute du gouvernement Bayrou et suspendu les réformes prévues.

Mais pour les directions RH, paie et financières, la question n’est pas seulement institutionnelle. Ce rejet ouvre une période d’incertitude réglementaire et budgétaire, avec des mesures sensibles mises en pause mais susceptibles de revenir sous une autre forme.

Cet article analyse, mesure par mesure, ce que les entreprises doivent retenir et anticiper dès maintenant.

1. Revalorisations automatiques gelées : un risque social majeur

Une année blanche inédite

Le projet prévoyait de geler le barème de l’impôt sur le revenu, les pensions de retraite, les allocations chômage et les prestations sociales. Une mesure sans précédent qui visait à réaliser plusieurs milliards d’euros d’économies.

Pourquoi les RH doivent rester vigilants

Même si la mesure est suspendue, les salariés perçoivent déjà une érosion du pouvoir d’achat.

  • Les prochaines NAO risquent d’être particulièrement tendues.
  • Les syndicats pourraient exiger des compensations salariales.
  • Le risque d’inflation de la masse salariale demeure, quelle que soit l’issue politique.

2. Arrêts maladie : un signal de transfert de charges

Ce qui était prévu

Le texte visait à :

  • supprimer la visite médicale de reprise (hors AT/MP),
  • allonger le délai de carence,
  • responsabiliser davantage les employeurs face aux arrêts jugés abusifs.

Conséquences pratiques

Même suspendues, ces annonces traduisent une tendance : déplacer le coût de la protection sociale vers les entreprises.
Les RH doivent donc :

  • renforcer le suivi administratif des arrêts,
  • documenter davantage les dossiers pour éviter les contentieux,
  • anticiper un climat social plus sensible sur la question de la santé au travail.

3. Assurance chômage : un dialogue social plus tendu à prévoir

Ce que prévoyait la réforme

  • Durcissement des conditions d’accès,
  • Réduction de la durée d’indemnisation,
  • Encadrement renforcé des ruptures conventionnelles.

Les risques pour les employeurs

Ces mesures auraient alourdi la gestion des fins de contrat. Leur suspension ne signifie pas leur disparition : la contrainte budgétaire reviendra.
Les directions RH doivent donc anticiper :

  • un dialogue social plus difficile lors des départs,
  • une hausse potentielle des contentieux,
  • la nécessité de développer des alternatives comme la mobilité interne ou la formation.

4. Flexibilité du travail : un projet inachevé

Des mesures sensibles

Le gouvernement voulait assouplir l’usage des CDD, des CDI de chantier et des missions d’intérim. La monétisation de la cinquième semaine de congés et la réduction des délais de contestation aux prud’hommes étaient également envisagées.

Même suspendues, ces pistes révèlent une volonté politique d’augmenter la flexibilité du marché du travail.
Pour les entreprises, cela signifie :

  • anticiper les débats internes autour des congés,
  • renforcer la polyvalence et la GPEC pour mieux absorber les variations d’activité,
  • se préparer à une possible évolution des règles en 2026.

5. Santé et protection sociale : des coûts en hausse

Ce qui était prévu

Le doublement des franchises médicales, avec un plafond annuel porté à 100 € par assuré, devait générer des économies pour l’État mais une charge directe pour les salariés.

Impact pour les directions RH et paie

Même si la mesure est suspendue, la question du financement de la protection sociale reste ouverte. Les entreprises doivent anticiper :

  • une renégociation des contrats collectifs,
  • des demandes de revalorisation des mutuelles d’entreprise,
  • une pression budgétaire croissante dès 2026.

6. Suppression de deux jours fériés : un débat inachevé

La mesure initiale

La disparition du lundi de Pâques et du 8 mai devait rapporter l’équivalent de 0,6 % de la masse salariale.

Ce que ça signifie pour les entreprises

  • Hausse du temps de travail effectif,
  • Réorganisation des plannings,
  • Risques de contestations sociales et syndicales.

Même suspendue, cette idée illustre une tendance à remettre en cause les acquis sociaux pour dégager des marges budgétaires.

7. Réformes structurelles repoussées

Au-delà du budget 2026, plusieurs réformes de fond sont également gelées :

  • Réforme de l’audiovisuel public (fusion Radio France, France Télévisions, INA),
  • Introduction de la proportionnelle aux législatives,
  • Révision constitutionnelle pour la Corse,
  • Nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie,
  • Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE),
  • Réforme de la police municipale et du judiciaire,
  • Projet de loi sur l’enseignement supérieur privé,
  • Loi de restitution des biens culturels,
  • Loi d’organisation des JO 2030.

Ces chantiers sont suspendus mais montrent que l’instabilité dépasse le seul champ RH/paie : elle touche aussi l’énergie, la gouvernance territoriale, et la réglementation sectorielle.

Le rejet du budget 2026 ne met pas fin aux réformes : il les suspend. Mais toutes répondaient à une même logique — réduire les dépenses publiques en transférant une partie de la charge vers les entreprises et les salariés.

Pour les directions RH, financières et paie, la valeur ajoutée consiste à :

  • préparer différents scénarios (mesures adoptées ou abandonnées),
  • renforcer le dialogue social dès maintenant pour éviter un effet de choc,
  • rester en veille active sur les annonces à venir, dans un contexte politique fragmenté.

En résumé : si les mesures ne passent pas aujourd’hui, elles reviendront demain sous une autre forme. Les entreprises qui anticipent cette incertitude seront mieux armées pour négocier et sécuriser leur trajectoire 2026.

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